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Les liens du lieu

  • Photo du rédacteur: Alexandre Missoffe
    Alexandre Missoffe
  • 28 avr.
  • 4 min de lecture
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Voilà donc deux semaines que je suis chaque jour au Vistemboire et chaque jour me réjouit un peu plus puisque chaque jour m’apporte de nouvelles et belles rencontres. Je ne sais par où commencer pour raconter cela. Alors commençons par les gens, puisque c’est par eux que tout arrive et à eux que tout revient.


Parmi les passants du passage, il y a bien des variétés...


Il y a les touristes français qui visitent Paris en famille pour les vacances de Pâques. Ils s’arrêtent devant la vitrine. « Maman, maman, regarde ! la Joconde a été volée ! », « mais non voyons c’est une blague ».


Il y a aussi les retraités, en couple ou entre camarades, : « Oh tu as vu, Pierrot Gourmand… tu te souviens ? y en avait un comme ça chez madame Louison ».


Il y a les touristes étrangers, tous gentils, discrets, polis et heureux d’échanger : « may I take a picture ? » « Sure ! », « may I take a picture of the peacock too ? » « Sure ! » « may I take a picture of the horse ? » « Sure ! », « may I take of picture of you ? » « why not ! ».


Il y a les gens qui connaissent déjà toute l’histoire et qui rentrent pour vous la raconter ou juste pour vous faire don d’un détail, d’une anecdote ou d’un élément nouveau et étonnant. J’ai ainsi eu la chance de rencontrer quelqu’un qui avait bien connu le directeur du Louvre qui mit la Joconde à l’abri en 1940, ou encore celui-ci qui m’a montré des photos de l’appartement aujourd'hui qui fut celui où jadis le voleur habitait et cacha le tableau.


Il y a aussi ceux qui croient connaitre l’histoire et se trompent du tout au tout mais qu’il ne faut surtout pas démentir devant leur famille ! « Alors oui, en effet, vous avez tout à fait raison, le voleur était un anglais, mais plutôt de l’Angleterre qui est dans le sud de l’Italie », ou encore « mais oui parfaitement, c’était dans les années 1950, mais le tout tout tout début des années 50, vers 1911 »…


Il y a ce jeune ado qui a la fin de mon récit a dit à ses parents « dites, demain vous voulez pas qu’on aille au Louvre ? » et dont les parents se demandaient quel envoûtement j’avais bien pu faire parce que, selon eux, il refusait toujours absolument d’aller dans un musée.

Il y a cette dame qui est passée tantôt. « Je vous suis sur les réseaux. Je suis pressée mais je voulais vous saluer. C’est génial ce que vous faites ! et le genou ça va mieux? Bravo en tout cas je repasserai ».


Il y a ces touristes du Colorado qui reviennent le lendemain, alors que leur hôtel est à l’autre bout de Paris, parce qu'ils ont oublié un détail et veulent que je leur répète l’histoire.

Il y a surtout les confrères commerçants du passage qui m’ont tous si généreusement accueilli. Je me suis senti adopté tout de suite avec eux. Toujours de bons conseils, toujours plein de petites attentions et de gentillesse. Je les soupçonne de s’être donné le mot entre eux au début pour se relayer à venir m’acheter des petites choses quand ils me voyaient me tenir, inquiet, au seuil de la boutique. Une sorte de conjuration de la gentillesse en quelque sorte.

Le passage des Panoramas c’est un village en soi et je ne serai pas surpris que, d’ici quelques temps, je puisse identifier des nuances d’accent ou des idiomatismes entre ceux des Panoramas et ceux du passage Jouffroy ou Choiseul…


Pour ma part, en quinze jours j’ai dû raconter cent fois l’histoire du vol de la Joconde et je ne crois pas l’avoir racontée deux fois de la même façon. C’est toujours la même histoire, certes, mais ce n’est jamais le même récit.


Pour certains je développe l’histoire policière, pour d’autres la sociologie de l’époque, pour d’autres l’histoire de l’art. Je m’auto-censure sottement et malgré moi avec mes visiteurs allemands sur certains épisodes et j’insiste avec mes visiteurs américains sur la rencontre avec les Kennedy.

Avec les gens expressifs, je mime beaucoup. Avec les gens pressés, je cible sur 2 ou 3 épisodes. Avec les attentifs, je baisse la voix comme si je ne leur disais que des choses très confidentielles. Avec les enfants, je pose des questions auxquelles ils n’ont pourtant pas le début d’une réponse pour les maintenir attentifs (« et tu sais où habitait le voleur ? » « à ton avis, qu’a-t-elle répondu ? », « devine ce qu’il fit après ? »).


Je vois, dans le miroir de leurs yeux, l’histoire telle qu’ils la vivent et je la découvre à chaque fois unique et différente et je gage que lorsque j’aurai raconté cette histoire pour la millième fois je ne serai toujours pas lassé de l’exercice.


Mais n'attendez pas pour autant la millième pour venir (ou revenir) au Vistemboire !

 
 
 

1 commentaire


Sue Waterman
Sue Waterman
01 juin

Je me demande qu'est-ce que vous avez lu dans mes yeux, il y a maintenant 10 jours, lorsque j'ai visité Le Vistemboire pour acheter des dioramas dépliants, sans sachant que c'était le paradis, et que j'aurai du y rester pendant des heures. Excusez-moi de n'avoir pas reconnu la vraie nature du lieu - une Collection, un cabinet de curiosités. Vous avez la même obsession que moi - comment écrivons-nous l'histoire à partir de ce qui reste - les objets, les documents, les images (les souvenirs, les rêves)? Merci d'avoir récité un poème d'Apollinaire avec moi. Ce n'est qu'après ma rentrée aux E-U que je commence à comprendre mon voyage.

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13 Passage des Panoramas,

75002 Paris, France

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