top of page

La lettre de la Princesse Fahmy Bey

  • Photo du rédacteur: Alexandre Missoffe
    Alexandre Missoffe
  • il y a 23 minutes
  • 4 min de lecture

Un peu plus bas dans le passage des panoramas, il y a le magasin de Christian Labre. Il y avait, devrais-je dire, car Christian vend et prend sa retraite.

Au moment de vider une boutique dans laquelle il a passé trente ans, ce sont des mètres cubes entiers de papiers, de timbres et de choses diverses qu’il range, trie, garde, jette… ou donne.

Parmi ceux-ci, privilège d’être « le nouveau » du passage, je reçois un paquet de documents qui sentent bon la poussière et l’odeur des caves que je parcours avec gourmandise. Une lettre retient en particulier mon attention par son écriture singulière.

Je m’y attarde, j’en défriche le texte, la signature, la date. La lettre est du 15 septembre 1923 et l’auteur y annonce à sa correspondante son prochain départ de Londres pour revenir à Paris. Elle est signée de la Princesse Fahmy Bey.

Et voici que ce document me révèle une fascinante histoire.

 

Marguerite Alibert naît le 9 décembre 1890, de Marie Aurand, femme de chambre et de Firmin Alibert, cocher.

Marguerite a douze ans lorsque son petit frère, qu’elle était chargée de garder, échappe à sa vigilance et meurt, percuté par un fiacre. On blâme la pauvre Marguerite qui est envoyé chez les sœurs, d'où elle s'enfuit un an plus tard. Elle disparait alors complètement pour réapparaitre en 1905 avec un petit bébé dans les bras.Marguerite a quinze ans, une petite fille, Raymonde, qui est aussitôt placée, et une famille qui la rejette.

On ne sait pas ce qu'elle fit sur cette base là, mais on le devine un peu puiqu'on retrouve Marguerite Alibert quelques années plus tard dans les maisons closes du Paris de « la Belle Epoque ». Puis, de pensionnaire des maisons closes, elle passe à une position de courtisane. Elle apparaît notamment auprès d’un certain André Meller, marchand de vin, qui la loge confortablement et lui assure un revenu régulier. Marguerite récupère alors la petite Raymonde qui vient vivre avec elle, mais ne se range pas pour autant. Meller n’est qu’une étape dans une vie de courtisane où elle vise toujours plus haut.

 

En 1917, lors de la première guerre mondiale, Edouard, Prince de Galles, est en France. Il sert dans le régiment des grenadiers de la garde, mais passe moins de temps dans les tranchées que dans les petites maisons de Paris, où il rencontre Marguerite Alibert dont il tombe éperdument amoureux. Sa passion durera un peu plus d’un an. Puis, il délaissera Marguerite Alibert pour Freda Dudley Ward, avec laquelle il rompra ensuite pour Wallis Simpson avant, comme chacun sait, de rompre avec le trône d’Angleterre pour rester auprès de Wallis.

Son prince anglais parti, Marguerite continue sa carrière de courtisane. Celle-ci l’amène au Caire où le prince Ali Kamel Fahmy Bey tombe sous son charme et la demande en mariage.

Il a 20, un titre ronflant et une fortune colossale, elle dit oui. 

 

Le mariage est vite décidé et expédié, Marguerite se convertit à l’islam et vient s’installer au Caire. Mais la lune de miel ne dure même pas le temps de la nuit de noces. Une haine féroce s’installe immédiatement entre les nouveaux époux et Marguerite, qui pensait plumer un pigeon, se sent piégée dans un pays et auprès d’un mari qui lui refuse le droit de divorcer et la tient recluse.

Après 8 mois, elle réussit tout de même à convaincre Ali Kamel d’aller à Londres avec elle sous le prétexte d’un évènement mondain (on verra que le choix de l’Angleterre était mûrement réfléchi). Les deux époux descendent au Savoy, comme il se doit. Enfin c’est surtout lui qui y est descendu, de sept balles dans le dos tirées par Marguerite Alibert, princesse Fahmy Bey.

La veuve meurtrière est évidemment arrêtée aussitôt par la police anglaise. C’est alors qu’elle se souvient opportunément de lettres très compromettantes que le futur roi d’Angleterre lui avait écrit cinq ans auparavant et qu’elle a soigneusement conservé.

Le pragmatisme anglais fera la suite.

 

Marguerite est emprisonnée à la Tour de Londres mais dans une cellule spécialement aménagée et avec des repas qu’on lui fait livrer de l’extérieur. Le procès se tient dans un délai record et les juges sont unanimes pour considérer que la pauvre femme n’a fait que se défendre d’un « oriental sadique » et la Princesse Marguerite Alibert-Hahmy Bey est acquittée après quatre jours d’audience.

Et c’est ce soir-là, le jour même de son acquittement qu’elle écrit à sa fille Raymonde pour lui annoncer la bonne nouvelle, et c’est cette lettre-là qui est exposée désormais au Vistemboire !

 

Comme il faut un épilogue à cette histoire, après avoir écrit « ma lettre » la Princesse Marguerite Fahmy Bey revint bien à Paris où elle vivra une vie moins baroque (quoique…) jusqu’à sa mort en 1972 à Neuilly sur Seine, c’est-à-dire la même année et dans la même ville que son amoureux de 1917, Edouard, Prince de Galles, qui entre-temps était devenu Edouard VIII puis le Duc de Windsor.

 

Ci dessous une image de la lettre à voir (entre autres choses) au Vistemboire ce week-end


 
 
 

Comments


13 Passage des Panoramas,

75002 Paris, France

bottom of page